La crèche se dit Presépio en portugais , du latin praesium. A l’origine les deux mots veulent dire mangeoire, et par extension lieu de naissance de l’enfant Jésus dans la tradition Chrétienne. La crèche est très présente dans le noël portugais, et il n’est pas rare qu’un commerçant préfère reconstituer la nativité dans sa vitrine que d’y placer sapin et père noël.
Mais on sait moins que le presépio fut élevé au rang d’art par les rois, les nobles et les religieux du XVIe au XIXe siècle. Très différent des crèches Italiennes, par leur verticalité et par l’usage quasi exclusif de la terre cuite (argile parfois), ils possèdent des particularités extrêmement intéressantes du point de vue artistique.
A tel point que le musée des beaux-arts de Lisbonne (MNAA-Musée des Arts Anciens) a décidé de consacrer une exposition permanente à sa collection précieuse de crèches, sauvées de la destruction après l’extinction des ordres religieux, à la fin du XVIIIe siècle, début du XIXe.
Les 25 sculptures ou ensemble sculptural exposés dans le palais du musée rue Das Janelas Verdes (quartier Santos), permettent de reconstruire l’évolution des crèches au cours des siècles.
Les crèches des palais, des maisons nobles ou des couvents étaient dissimulées à la vue des curieux et enfermées dans des armoires ou des coffres, pendant 11 mois de l’année. A l’avent– le mois qui précède la naissance de Jésus- elles étaient ouvertes et provoquaient l’admiration, par la profusion des couleurs, la dimension parfois monumentales– certains presépios contenaient 500 pièces- et le réalisme des sculptures. Cette manière de placer ces crèches dans ce que l’on appelait des « maquinetas » (systèmes, appareils), a permis la conservation de ce patrimoine jusqu’à nos jours, et contribué probablement au mystère de la nativité.
Le musée expose des fragments d’un presépio datant du XVIe siècle, le plus ancien trouvé à ce jour.
La crèche portugaise a cette autre particularité d’être en terre, il s’agit d’un travail de sculpture peinte, d’une grande maitrise de l’art figuratif. Les sculpteurs savaient mettre en perspective, jouant sur la monumentalité des « maquinetas », et sur la taille des personnages pour renforcer la profondeur de champ. Ils mettaient un soin particulier á réaliser les détails des vêtements, des outils, des coiffures.
L’exposition permanente du Musée des Beaux-arts permet aussi de comprendre que l’adoration des rois mages n’a pas toujours existée. Dans la plupart des presépios, ils chevauchent en direction de la crèche, en procession élégante, venant d’une contrée mal identifiée, sur leurs magnifiques montures. Ils mettront un siècle- peut être plus- à arriver sur le devant de la scène. Peut être qu’alors les rois ont voulu symboliquement se valoriser en se représentant en riches adorateurs.
On ignore en effet quand un artiste s’est enhardi à placer les rois mages, Gaspard, Balthasar et Melchior autour de la mangeoire céleste. Les rois mages vont finir par s’imposer dans notre imaginaire, aujourd’hui toujours représentés aux pieds du fils du charpentier.
Le musée possède aussi un magnifique exemplaire d’une crèche rococo, au décor naturaliste, parsemé de fleurs, de fruits et de coquillages, et où les jeux de miroirs permettent de raconter la naissance et l’adolescence de Jésus en préservant et le mystère et la pudeur (on ne peut voir la scène de la circoncision qu’au travers d’un jeu de miroirs). Une sorte de maison de poupées délicate et mystique.
Un merveilleux Balthasar, unique personnage noir de toute la scène de la nativité, jette un regard goguenard sur ces scènes aussi familières qu’étranges.
Dans Lisbonne, on peut voir un presépio de grande dimension dans son armoire d’origine (la « maquineta »), au Musée des azulejos (XVIIIe siècle). A la Basilique d’Estrela (quartier Estrela), on peut voir le préféré des Lisboètes : le presépio de Maitre Machado de Castro. Le sens admirable du théâtre que possédait ce sculpteur, son talent de coloriste, donnent une autre dimension aux personnages populaires représentés (XVIIIe). Le baroque explose de splendeur, et ces scènes de terre cuite et peinte possèdent toujours leur pouvoir d’enchantement.
MUSEU NACIONAL DE ARTE ANTIGA
Rua das Janelas Verdes
1249-017 Lisboa
Portugal
Tel.: +351 213 912 800
Fax: +351 213 973 703
geral@mnaa.dgpc.pt
http://www.museudearteantiga.pt/
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